Hold your breathe, dim the lights



« Vous auriez pu le réchauffer en sachant que j’arrivais quand même. » j’aurais pu en effet, mais le « réchauffement » n’est que très bref avec ce genre d’instruments, chère Keridwen. Il paraît qu’il vaut mieux tard que jamais ? Le stéthoscope s’éloigne de sa peau délicate et fine pour gagner la paume de ma main gauche : il suffit de quelques secondes passées sur la membrane pour réchauffer à minima l’engin. Je n’ai vraiment pas été très professionnel pour le coup. Une peccadille, mais une faute tout de même. Regard fixé sur l’horloge accolée au mur. Six secondes. « Voilà qui devrait être mieux maintenant. » la lyre étant en bonne position ─ ce qui signifie que les embouts sont bien orientés vers le patient et non pas derrière le médecin ─, nous pouvons y aller. « Veuillez m’excuser, j’ai été maladroit. » cet aveu est légèrement empreint de gêne, ne nous en cachons pas : à malin, malin et demi.

La membrane est aposée délicatement sur le tégument, léger appui à la clef. « Inspirez et expirez tranquillement. » Ecoutons le « murmure vésiculaire » ─ ce petit bruit respiratoire qui vient des turbulences causées par l’inspiration et l’expiration. Commençons par les lobes inférieurs Région apicale gauche. Région apicale droite. Région médio-dorsale gauche. Région médio-dorsale droite. Pour le moment tout semble aller. Région dorso-basale gauche. Région dorsa-basale droite. « Et hop, on bascule. Attention le dos. » il est essentiel qu’elle s’allonge afin de vérifier les deux dernières zones ─ les lobes inférieurs, lobe moyen et la lingula ─ : mais avec les années, la demoiselle est sans doute rôdée. Creux sus et sous claviculaire. Région sous mammelonnaire. « Bien. » c’est parfait ─ le phénomène est clairement audible : doux pendant la phase d’inspiration et plus intense mais plus court en expiration ─ il y a un écho, mais quoi de plus normal au vu de son amélioration ? Pas de modifications du murmure vésiculaire et pas d’inversion du rythme respiratoire, donc pas d’emphysème ni même de liquide ─ voire d’air ─ dans la plèvre. Visiblement pas non plus de bruits surajoutés ─ râle, frottements pleuraux ou autres souffles indésirables. « Tout semble en ordre de ce côté-là. » et c’est très bien ainsi. Mais nous n'en avons pas fini pour autant.

« Voyons comment se porte le coeur. » elle sait bien qu’il lui faut rester sur le dos pour le moment mais que par la suite nous passerons en latéral gauche pour finir en position assise avec le thorax penché en avant. « Comme précédemment, respirez calmement. » le stéthoscope repart à l’aventure.
Boum boum, Baboum baboum. Boum boum, Baboum baboum.
Hum, encore un peu rapide. Cinquième espace intercostal gauche. La xiphoïde. Le premier bruit a une tonalité sourde, le second est plus sec. Mon œil s’arrête sur le sommet de son crâne. « Redressez-vous sur le bord de la table, s’il vous plaît. » le deuxième espace intercostal D près du bord sternal.
Boum boum, Baboum baboum. Boum boum, Baboum baboum.
Le deuxième espace intercostal G. Hum. « Tout va bien aussi ici. Décidément, quelle santé ! Nous sommes bien partis pour ne pas nous revoir avant deux bons mois. » un petit clin d’œil et le stéthoscope se décolle pour finir à son tour sur la table d’auscultation. « Y-a-t-il des choses dont vous préféreriez me parler avant de passer à la pesée ? » les patients n’apprécient en général que très peu cette étape de la consultation. Il y a cette question qui danse sur le bout de ma langue depuis le début de notre entretien. « Décrivez-moi un repas type pour vous, Keridwen. » son « j’essaie de suivre toujours une alimentation sérieuse » n’est pas passé dans l’oreille d’un sourd. Je m’accole sur sa droite, fesses posées sur le bord du mobilier et bras croisés. Il faut que je prenne gare de ne pas oublier de prendre sa tension aussi.